Rencontres insolites et diverses
« Qui veut voyager loin ménage sa monture », mais quelle monture doit-on choisir pour faire un beau voyage ?
Du camping-car grand luxe à la bicyclette nous aurons rencontré un bel échantillon de véhicules !
Si l'habit ne fait pas le moine, la monture caractérise généralement le voyageur.
Nous sommes rentrés au Maroc en compagnie d'un jeune couple ayant l'intention de visiter le pays à vélo.
- - Savez-vous que le Maroc est un pays montagneux?
- - Aucun problème! Nous nous sommes entraînés sur les routes d'Espagne où les sierras sont nombreuses!
Plus tard dans un camping c'est un sexagénaire belge qui nous a fait part de son projet : parti mi-août de son pays, il espère atteindre Le Cap en une année en pédalant !
Son inquiétude ? Sa consommation d'eau, dix litres pour cent kilomètres, trouvera-t-il assez de points de ravitaillement maintenant qu'il approche du désert ?
Ce soir, une petite tente s'élève près de nous, papa, maman, Louis (six ans) et Jeanne (trois ans) aménagent. Une poussette permet aux petites jambes de Jeanne de se reposer !
Depuis un mois et demi ils sillonnent le pays, utilisant le stop, les transports en commun, leurs pieds, pour découvrir de nouveaux horizons.
L'école de la vie est riche de savoirs, encore faut-il prendre le temps de s'arrêter, d'écouter, de partager.
Aujourd'hui, promenade sur la plage, rencontre avec un pêcheur de poulpes.
Il vit dans une grotte, dans la falaise et, à chaque marée basse, muni d'une longue gaule, harnachée d'un crochet pointu et d'une sardine odorante et bien ficelée, il fouille sous les rochers.
Un tentacule se détend, il faut lui laisser le temps de se sentir en confiance, d'avancer un deuxième tentacule, puis lorsque l'animal enserre le poisson, retirer adroitement le bâton pour ferrer, et le ramener sur le sable !
La bête est intelligente, quand elle sent le danger, elle se recroqueville au fond de son trou et il faudra du temps avant qu'elle ne se risque au-dehors une nouvelle fois !
Les enfants sont ravis, le « maître « d'un jour leur montre une multitude d'animaux invisibles au profane qui se promène sur la plage : le crabe caché sous la pierre qui ne résiste pas à l'odeur de la sardine, les crevettes, beaucoup plus timides ou prudentes, mais qui finiront par sortir de leur cachette, attirées elles aussi par la perspective d'un repas, la limace de mer qui se prélasse dans sa flaque.
Comme un magicien il fait apparaître la vie et si l'heure de la marée le permet, nous pourrons ramasser des bulots pour le dîner.
En revenant au camp, ils croisent un vieux bonhomme, le pêcheur de crevettes : il suit les chenaux avec son pousseau et ramène dans le filet quelques crustacés.
Quand il juge sa récolte suffisante, il complète par la cueillette des vers de mer qu'il ira vendre aux pêcheurs européens pour quelques dirhams !
La journée de travail terminée, la vente effectuée, il rejoint le « bled », son village dans la montagne à quelques kilomètres.
Le camping attire tel un aimant ! Le touriste a de l'argent, il est là pour le dépenser.
Kamel le sait.
Il se promène entre les allées...
- - Bonjour! Ca va? Tu veux du poisson? Regarde, il est frais!
Alléché par des soles de bonne taille, l'affaire est vite conclue, le prix pas trop discuté, livré à domicile, on ne fait pas le difficile !
- - Tu veux, je les pèle!
Toute peine mérite salaire, et si vous le lui demandez, Kamel se fera un plaisir de vous les cuisiner, vous n'aurez plus qu'à les déguster en sa compagnie.
C'est ce qui s'appelle fidéliser le client, c'est aussi ce qui lui permet de manger à sa faim.
- - Tu es mon ami, vendredi je te porte le couscous, ma mère le fait très bon.
Si le pourboire est jugé convenable, le repas du vendredi est assuré le temps du séjour, vous aurez même une invitation à son domicile.
La famille a des besoins, vêtements, friandises, et quelques billets amélioreront un peu l'ordinaire.
Mais Kamel a des projets, comme tant d'autres il rêve de partir ! Rejoindre les Canaries, et de là entrer en Espagne.
Cette traversée ils l'ont tous dans la tête. Les accidents, les drames, ils les connaissent, cela n'entame pas leur détermination.
- - Que feras-tu en débarquant dans ce pays inconnu?
- - Je me débrouillerai, je connais du monde! Je sais faire la pêche, je parle espagnol!
- - Tu n'auras pas de papier?
- - T'inquiète pas, moi je suis malin!
Ses contacts faciles et nombreux avec les européens de passage lui ont certainement fait espérer une autre vie que celle qui l'attend.
- - L'année prochaine, tu ne me verras pas je serai parti!
Kamel, s'il réussit sa fuite, aura beaucoup de déceptions, il ignore que le statut de touriste, donne aux gens un comportement qu'ils n'auront pas dans leur pays ! Son Amérique à lui, elle est probablement ici au milieu de tous ces gens qui ont besoin de lui, qui le reçoivent avec plaisir, mais qui n'oublient pas qu'il est Marocain !
Il y a ceux qui veulent partir mais aussi ceux qui restent et vivent dans la misère.
Des miséreux en haillons, dépenaillés, sales, estropiés, nous en croisons tous les jours.
Il y a les « habitués », ceux qui ont leur place à l'entrée du marché, devant la poste ou ailleurs, et auxquels on ne peut résister , handicapés, vieillards, mère et enfant .
Ne pas ignorer la main tendue est facile, agir est plus difficile.
Nombreux sont les touristes qui donnent : vêtements, stylos, bonbons sont distribués généreusement. Beaucoup ont sympathisé avec une famille qui bénéficie de ses dons.
Certains essaient de faire œuvre humanitaire en créant des associations qui agissent sur la durée. Nous avons rencontré Bernard et Michelle qui font vivre un foyer de jeunes filles. Une dizaine de lycéennes, venant de la campagne y sont accueillies pour poursuivre leurs études au lycée de la ville.
Une goutte d'eau dans un océan de misère, mais pour le bénéficiaire une aide salvatrice.
Autres rencontres, le baroudeur du désert !
Il se déplace en quatre-quatre, couleur sable de préférence, accepte des conditions de bivouac frustes : une petite tente sur le toit du véhicule, un réchaud à gaz pour le café.
Par groupes de trois ou quatre, ils sillonnent le pays, cherchant les endroits hors des sentiers battus, s'offrant quelques frayeurs parfois. Ils sont en général bien équipés, GPS, plaques de désensablage, réserves de carburants et ils découvrent des paysages sublimes, des levers ou des couchers de soleil uniques !
Pour quelques jours, ils jouissent d'une sensation de liberté totale.
Le vent du désert effacera leurs traces, le suivant croira lui aussi être le premier à découvrir les dunes!
Depuis peu, la côte est devenue le rendez-vous des surfeurs !
Cette nouvelle catégorie de touristes apporte beaucoup de divertissement à la population locale.
Souvent très baba cools, leur tenue vestimentaire, leur vie en communauté et en groupes mixtes alimentent les conversations.
Sans grands moyens financiers, ils trouvent ici la possibilité d'exercer leur passion à moindre frais.
Ils animent la plage et font souvent partager leur sport aux jeunes du pays.
On voit alors se côtoyer sur le sable, des européens dénudés, des femmes voilées et des hommes en djellaba, la tête enroulée dans le chèche blanc, noir ou bleu !
Il n'y a pas mélange de civilisation, chacun garde ses habitudes, regarde l'autre avec envie ou curiosité, peut-être avec un peu plus de compréhension !
(à suivre)