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22 avril 2018 7 22 /04 /avril /2018 19:37

Visiteurs indésirables

Dès les premières lueurs de l’aube, quand les chiens las d’avoir poussé leurs aboiements nocturnes s’endorment enfin, quand le chant de l’alouette se fait entendre, ils empruntent le sentier qui serpente entre les bouquets d’euphorbe et les épineux qui griffent les mollets. Le plus ancien, Mohamed, a revêtu sa déraa bleue, relevée sur l’épaule par-dessus ses vêtements habituels. Le chèche blanc entoure son crâne et les pans qui flottent dans la brise  seront plus tard rabattus sur sa face pour la défendre contre  la poussière.  Brûlée par le soleil, desséchée par le vent, sa peau a la couleur ocre de la terre. Il est « chibani » (vieux) mais avance droit et fier comme vont « les gens des nuages ». Ali, son fils, a opté pour le jean, il marque sa différence mais lui aussi, prudent, s’est enturbanné. Ils vont droit vers le plateau qui  tel une digue fait barrière avant l’océan. Dans la clarté matinale les premiers rayons de lumière jouent avec les reliefs, bientôt les mirages feront naître des lacs. Quelques gerboises regagnent  leurs terriers en bondissant.

 Le spectacle est grandiose, le voit-il ? Ils marchent en silence et fixent pour ne point s’en écarter la piste qui les conduira vers le but de leur voyage. Ils savent que bientôt l’astre du jour s’élèvera,  la sueur dessinera des sillons sur leur visage. Deux jours de marche pour réaliser la mission qui leur a été confiée.   Au campement, là-bas derrière la montagne, la tribu s’éveille. Les filles vont au puits, les garçons ramassent des brindilles et les femmes pétrissent le pain. C’est Fatima l’épouse de Mohamed qui étire la pâte avec dextérité. Elle plonge ses mains, dans l’eau froide et plaque « les crêpes » contre les parois brûlantes du four. Une bonne odeur s’élève, elle a une pensée pour son mari et le garçon  partis trop tôt, ils devront se contenter de croutons rassis de la veille. Ramèneront-ils la paix  dans le groupe ? Fatima s’inquiète, leur vie, autrefois calme, est troublée par des présences indésirables qu’ils ne savent comment chasser.

  Au loin sur la plaine caillouteuse se dressent des tentes brunes, les khaïmas des nomades, tout autour un troupeau : des chèvres et quelques moutons et des enfants qui jouent. Les hommes s’en approchent, des adultes leur font signe. L’hospitalité et la solidarité sont qualités des peuples du désert. Le temps ne compte pas quand on est invité, autour du braséro sur lequel chante la bouilloire, les marcheurs racontent leur histoire. Depuis la dernière lune un jeune cousin a un comportement curieux : un regard hagard, une agitation incessante et des rêves étranges perturbés par des visions fantasmagoriques qui le font parler dans son sommeil. Sans aucun doute un djinn a pris possession de son corps. Une réunion a eu lieu, longtemps ils ont palabré et cherché des solutions. Que faire pour libérer Hassan de cet hôte indésirable ? Grâce aux pluies de l’hiver ils ont pu ensemencer des cuvettes et le blé a  germé, la récolte est proche, un déplacement n’est pas envisageable. Seul le marabout saura et dira ce qu’il faut faire. Telle est donc leur mission, consulter celui qui écartera les esprits maléfiques et donnera les amulettes pour se protéger d’autres invasions.

La chaleur est étouffante, l’air est chargé de sable, la musette emplie de kessras (galettes) bien craquantes, à la croute dorée, cadeaux de leurs hôtes,  Mohamed et Ali ont repris la route. Durant leur conversation, ils ont appris qu’Hamed le fils du cousin du père de la sœur de la mère de Fatima conduit un camion qui transporte le poisson de Dakhla à Agadir. Les liens familiaux sont forts et de bouche à oreille le conducteur sera prévenu : demain matin sur le pont du Fatma deux voyageurs l’attendront.

La journée s’est déroulée comme prévue. Quand les ombres s’allongent, quand la lumière se fait plus douce, des effluves iodés chatouillent leurs narines, ils sont à proximité de l’oued, près de l’endroit où il rejoint l’océan.  Leur halte nocturne est prévue dans la case blanche qui se trouve au milieu des herbes sur la rive du fleuve. Là, vivait une femme, Fatma qui lui a donné son nom. Elle n’est plus mais son logis est, selon ses vœux, ouvert à tous. En repartant ils suspendront des offrandes à l’arbre qui a poussé sur sa tombe, le seul à des kilomètres à la ronde. Puisse-t-elle les protéger et faire de leur expédition une réussite. Sur le sol rugueux, pliés dans leur burnous sortis du sac à dos d’Ali, après une dernière prière, ils ont dormi, épuisés par leur marche. Le vent marin a sifflé dans les buissons, il a bercé leurs rêves. Un chacal a hurlé au plus profond de la nuit, la voie lactée brillait au-dessus de la cabane, au loin les vagues se fracassaient contre les falaises. Dès l’aurore, Ali a ramassé du bois mort, l’alouette a chanté, le père a préparé le premier thé.  

Plus tard quand la lune plongea dans l’océan, la marée s’inversa, les cueilleurs de grève  entamèrent leur récolte de bulots et crevettes tandis que les flamands fouillaient la vase. Mohamed et Ali grimpèrent dans le véhicule  qui poursuivit  son chemin en  cahotant, fumant  et parfois  hoquetant.

Dans la cabine, ils échangent les nouvelles. Ahmed s’inquiète : Comment Hassan réagit-il ? Qu’a-t-il fait pour être la proie des Djinns ? Ali évoque les hurlements nocturnes de son cousin, l’angoisse qui s’empare du campement. Mohamed rappelle que les créatures élisent domicile dans le corps des plus faibles. Il faut rapidement protéger les enfants.    La brume, comme un voile estompe l’aridité du paysage. Le cousin  les conduit à bon port. Dès l’entrée de la ville les conserveries de sardines dégagent leur odeur nauséabonde. Ils descendent et se dirigent vers la plage. Ils se fraient un chemin entre les détritus abandonnés par les pêcheurs et poussés par le vent constant.

 Ils avancent évitant les silex acérés.  Sur le seuil d’une cahute, un vieillard, le visage couturé de rides, s’appuie sur un bâton noueux : c’est lui « le sage » qu’ils recherchent.   La cérémonie des salutations est longue, chacun s’informe de la santé des membres de la famille afin de ne pas commettre d’impair puis tous rentrent dans la cabane.  La pièce est sombre, sur le kanoun les braises rougeoient,  l’eau du thé chauffe. Les visiteurs s’assoient sur les coussins et exposent la situation. Le silence s’installe. A l’extérieur les goélands se disputent une charogne, on les entend railler.    Le patriarche a écouté, il est maintenant plongé dans une longue méditation que ses visiteurs respectent. La suite restera secrète: conseils, recommandations, distribution de talismans ? Ali a été prié de sortir, il arpente la plage discutant avec les pêcheurs qui traquent la grosse prise. Il sait qu’il est encore trop jeune pour être associé à ces graves décisions.

Beaucoup plus tard  les  hommes se dirigent vers les rues commerçantes. Sur la place tajines et grillades ouvrent l’appétit. Tous les trois s’assied autour du plat fumant. Avisant un quatre quatre transportant un dromadaire, Mohamed s’approche, échange quelques mots avec le chauffeur et le convie à partager leur repas. L’affaire est conclue, ils rentreront chez eux, là-bas, en voiture, le marabout ne les accompagne pas, il a donné à Mohamed ses instructions.

Un mois s’est écoulé, Hassan est redevenu paisible. La tribu a fait une bonne récolte. Il est temps de déménager,  de chercher un autre lieu pour passer la saison chaude. Empruntant la piste qui conduit vers la mer, ils vont suivant des repères connus d’eux seuls. Bientôt la brise marine rafraîchit l’atmosphère, quelques buissons, quelques herbes rompent l’immensité sableuse, elles alimenteront le troupeau de chèvres. On entend les ronflements des  voitures, preuve que la civilisation n’est pas loin !   Quelques cairns marquent l’endroit, c’est là qu’ils établiront le camp  d’été, loin des démons malfaisants et néfastes qui n’aiment que les déserts. Ils tiendront l’endroit propre ainsi que leur a demandé le marabout : les djinns aiment se nourrir de détritus. Mohamed  réunit la tribu, leur fait dire les prières qui ramèneront  la paix, distribue les talismans remis par l’ancêtre.  Une nouvelle saison commence.   

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10 septembre 2010 5 10 /09 /septembre /2010 13:27

Visiteurs indésirables

Dès les premières lueurs de l’aube, quand les chiens las d’avoir poussé leurs aboiements nocturnes s’endorment enfin, quand le chant de l’alouette se fait entendre, ils empruntent le sentier qui serpente entre les bouquets d’euphorbe et les épineux qui griffent les mollets. Le plus ancien, Mohamed, a revêtu sa déraa bleue, relevée sur l’épaule par-dessus ses vêtements habituels. Le chèche blanc entoure son crâne et les pans qui flottent dans la brise  seront plus tard rabattus sur sa face pour la défendre contre  la poussière.  Brûlée par le soleil, desséchée par le vent, sa peau a la couleur ocre de la terre. Il est « chibani » (vieux) mais avance droit et fier comme vont « les gens des nuages ». Ali, son fils, a opté pour le jean, il marque sa différence mais lui aussi, prudent, s’est enturbanné. Ils vont droit vers le plateau qui  tel une digue fait barrière avant l’océan. Dans la clarté matinale les premiers rayons de lumière jouent avec les reliefs, bientôt les mirages feront naître des lacs. Quelques gerboises regagnent  leurs terriers en bondissant.

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 Le spectacle est grandiose, le voit-il ? Ils marchent en silence et fixent pour ne point s’en écarter la piste qui les conduira vers le but de leur voyage. Ils savent que bientôt l’astre du jour s’élèvera,  la sueur dessinera des sillons sur leur visage. Deux jours de marche pour réaliser la mission qui leur a été confiée.   Au campement, là-bas derrière la montagne, la tribu s’éveille. Les filles vont au puits, les garçons ramassent des brindilles et les femmes pétrissent le pain. C’est Fatima l’épouse de Mohamed qui étire la pâte avec dextérité. Elle plonge ses mains, dans l’eau froide et plaque « les crêpes » contre les parois brûlantes du four. Une bonne odeur s’élève, elle a une pensée pour son mari et le garçon  partis trop tôt, ils devront se contenter de croutons rassis de la veille. Ramèneront-ils la paix  dans le groupe ? Fatima s’inquiète, leur vie, autrefois calme, est troublée par des présences indésirables qu’ils ne savent comment chasser.

  Au loin sur la plaine caillouteuse se dressent des tentes brunes, les khaïmas des nomades, tout autour un troupeau : des chèvres et quelques moutons et des enfants qui jouent. Les hommes s’en approchent, des adultes leur font signe. L’hospitalité et la solidarité sont qualités des peuples du désert. Le temps ne compte pas quand on est invité, autour du braséro sur lequel chante la bouilloire, les marcheurs racontent leur histoire. Depuis la dernière lune un jeune cousin a un comportement curieux : un regard hagard, une agitation incessante et des rêves étranges perturbés par des visions fantasmagoriques qui le font parler dans son sommeil. Sans aucun doute un djinn a pris possession de son corps. Une réunion a eu lieu, longtemps ils ont palabré et cherché des solutions. Que faire pour libérer Hassan de cet hôte indésirable ? Grâce aux pluies de l’hiver ils ont pu ensemencer des cuvettes et le blé a  germé, la récolte est proche, un déplacement n’est pas envisageable. Seul le marabout saura et dira ce qu’il faut faire. Telle est donc leur mission, consulter celui qui écartera les esprits maléfiques et donnera les amulettes pour se protéger d’autres invasions.

La chaleur est étouffante, l’air est chargé de sable, la musette emplie de kessras (galettes) bien craquantes, à la croute dorée, cadeaux de leurs hôtes,  Mohamed et Ali ont repris la route. Durant leur conversation, ils ont appris qu’Hamed le fils du cousin du père de la sœur de la mère de Fatima conduit un camion qui transporte le poisson de Dakhla à Agadir. Les liens familiaux sont forts et de bouche à oreille le conducteur sera prévenu : demain matin sur le pont du Fatma deux voyageurs l’attendront.

 

2007-10-30 001 005

 

La journée s’est déroulée comme prévue. Quand les ombres s’allongent, quand la lumière se fait plus douce, des effluves iodés chatouillent leurs narines, ils sont à proximité de l’oued, près de l’endroit où il rejoint l’océan.  Leur halte nocturne est prévue dans la case blanche qui se trouve au milieu des herbes sur la rive du fleuve. Là, vivait une femme, Fatma qui lui a donné son nom. Elle n’est plus mais son logis est, selon ses vœux, ouvert à tous. En repartant ils suspendront des offrandes à l’arbre qui a poussé sur sa tombe, le seul à des kilomètres à la ronde. Puisse-t-elle les protéger et faire de leur expédition une réussite. Sur le sol rugueux, pliés dans leur burnous sortis du sac à dos d’Ali, après une dernière prière, ils ont dormi, épuisés par leur marche. Le vent marin a sifflé dans les buissons, il a bercé leurs rêves. Un chacal a hurlé au plus profond de la nuit, la voie lactée brillait au-dessus de la cabane, au loin les vagues se fracassaient contre les falaises. Dès l’aurore, Ali a ramassé du bois mort, l’alouette a chanté, le père a préparé le premier thé.  

 

Fatma 2 

Plus tard quand la lune plongea dans l’océan, la marée s’inversa, les cueilleurs de grève  entamèrent leur récolte de bulots et crevettes tandis que les flamands fouillaient la vase. Mohamed et Ali grimpèrent dans le véhicule  qui poursuivit  son chemin en  cahotant, fumant  et parfois  hoquetant.

Dans la cabine, ils échangent les nouvelles. Ahmed s’inquiète : Comment Hassan réagit-il ? Qu’a-t-il fait pour être la proie des Djinns ? Ali évoque les hurlements nocturnes de son cousin, l’angoisse qui s’empare du campement. Mohamed rappelle que les créatures élisent domicile dans le corps des plus faibles. Il faut rapidement protéger les enfants.    La brume, comme un voile estompe l’aridité du paysage. Le cousin  les conduit à bon port. Dès l’entrée de la ville les conserveries de sardines dégagent leur odeur nauséabonde. Ils descendent et se dirigent vers la plage. Ils se fraient un chemin entre les détritus abandonnés par les pêcheurs et poussés par le vent constant.

 Ils avancent évitant les silex acérés.  Sur le seuil d’une cahute, un vieillard, le visage couturé de rides, s’appuie sur un bâton noueux : c’est lui « le sage » qu’ils recherchent.   La cérémonie des salutations est longue, chacun s’informe de la santé des membres de la famille afin de ne pas commettre d’impair puis tous rentrent dans la cabane.  La pièce est sombre, sur le kanoun les braises rougeoient,  l’eau du thé chauffe. Les visiteurs s’assoient sur les coussins et exposent la situation. Le silence s’installe. A l’extérieur les goélands se disputent une charogne, on les entend railler.    Le patriarche a écouté, il est maintenant plongé dans une longue méditation que ses visiteurs respectent. La suite restera secrète: conseils, recommandations, distribution de talismans ? Ali a été prié de sortir, il arpente la plage discutant avec les pêcheurs qui traquent la grosse prise. Il sait qu’il est encore trop jeune pour être associé à ces graves décisions.

 

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Beaucoup plus tard  les  hommes se dirigent vers les rues commerçantes. Sur la place tajines et grillades ouvrent l’appétit. Tous les trois s’assied autour du plat fumant. Avisant un quatre quatre transportant un dromadaire, Mohamed s’approche, échange quelques mots avec le chauffeur et le convie à partager leur repas. L’affaire est conclue, ils rentreront chez eux, là-bas, en voiture, le marabout ne les accompagne pas, il a donné à Mohamed ses instructions.

Un mois s’est écoulé, Hassan est redevenu paisible. La tribu a fait une bonne récolte. Il est temps de déménager,  de chercher un autre lieu pour passer la saison chaude. Empruntant la piste qui conduit vers la mer, ils vont suivant des repères connus d’eux seuls. Bientôt la brise marine rafraîchit l’atmosphère, quelques buissons, quelques herbes rompent l’immensité sableuse, elles alimenteront le troupeau de chèvres. On entend les ronflements des  voitures, preuve que la civilisation n’est pas loin !   Quelques cairns marquent l’endroit, c’est là qu’ils établiront le camp  d’été, loin des démons malfaisants et néfastes qui n’aiment que les déserts. Ils tiendront l’endroit propre ainsi que leur a demandé le marabout : les djinns aiment se nourrir de détritus. Mohamed  réunit la tribu, leur fait dire les prières qui ramèneront  la paix, distribue les talismans remis par l’ancêtre.  Une nouvelle saison commence.   

 

le-soir-tombe.jpg 

            

     

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27 septembre 2009 7 27 /09 /septembre /2009 13:30

 

un conte inspiré par la région.... 



De l’autre côté de l’Anti Atlas s’étend la Hamada, plateau de pierres, de silex tranchants. Les dromadaires errent au milieu des épineux et de quelques pieds d’euphorbe. Au loin une tache verte, des acacias, un puits d’eau saumâtre et des tentes couleur sable. C’est là que vit Mohamed, l’enfant du désert. Fils d’Ali et de Leila, petit fils d’Hassan, le chibani (l’ancien), il est le dernier né de la tribu.

Autour de lui la vie s’organise : les filles doivent aller chercher l’eau au puits, Hassan, Ali et les autres hommes bâtissent le mur de cailloux pour l’enclos des animaux. C’est aussi un mur de pierres sèches qui limitera le champ de terre arable. Les pluies d’automne, l’humidité de la nuit permettront la culture de plants de fèves et de blé.

Quand l’ombre des arbres s’allonge, quand la brise adoucit l’atmosphère, les chèvres qui s’éparpillent dans la nature s’approchent de l’abreuvoir : c’est l’heure de la traite. Armé d’un bâton Mohamed par à la recherche des égarés. Il taquine les gerboises qui se cachent dans les creux des rochers. Les mouches volent autour de son visage et de ses bras souillés de poussière.

Les fumées des braséros s’élèvent, les femmes cuisinent le repas du soir sur le tajine en terre cuite. Plus tard, rassemblés près du plat commun, les hommes d’un côté, femmes et enfants de l’autre, ils trempent le pain dans la sauce. Puis auprès du feu où chantonne la bouilloire, ils préparent le thé. De temps en temps quelqu’un jette des brindilles sur le foyer qui crépite et étincelle. Au ciel les étoiles s’allument, ils rejoignent leur natte et roulé dans un manteau ou une couverture, ils s’endorment. Seuls les aboiements des chiens sauvages, les bêlements des agneaux viennent troubler le silence de la nuit. A l’odeur âcre de la fumée se mêlent les effluves de suif et d’urine venus du parc des animaux.

Le chergui, vent d’est chargé de sable, vient parfois déranger cette vie calme. Tous le redoutent : ils poussent bêtes et gens vers les abris. Tous courbent l’échine et s’arment de patience.

 

 

 

 

 

Tous sauf Mohamed. Il n’a pas encore appris la résignation nécessaire. Il ne sait pas qu’on doit subir les caprices de la météo et que la révolte n’est d’aucune utilité.

Ce matin un gros nuage rouge se profile au levant, c’est lui le vent du désert, celui qui chasse les libellules et fait bouger les dunes. Mohamed rejoint Hassan, s’assied et écoute son grand père lui conter l’histoire de son peuple.

-            Il faut que tu saches, il faut que tu te souviennes et qu’à ton tour, plus tard, tu transmettes à tes enfants, à tes petits enfants…

Grand père est vieux, son visage a la couleur cuivrée des collines, il est brûlé par le soleil et ses cheveux sont blancs comme le lait du matin. Il a quitté son chèche bleu qui entoure son crâne et lui donne une allure martiale comme il sied au chef de clan. Aujourd’hui l’enfant perçoit la gravité du moment. Hier soir une discussion a eu lieu dans le coin des hommes. Taiëb, le grand frère, baissait la tête. Les voix gutturales des adultes s’élevaient dans la pénombre et Taiëb est allé dormir dans l’enclos en maugréant.

Des mots reviennent à la mémoire de Mohamed, des mots qu’il voudrait comprendre. Maman est triste, papa regarde au loin par les fentes de la khaïma et ce n’est pas le vent qui les inquiète.

-            Dis grand père, c’est quoi la tradition ?

-            La tradition, mon fils, ce sont les règles de notre vie celles qu’on doit respecter comme avant nous nos ancêtres, comme ils nous l’ont appris.

-          Dis grand père, l’homme qui est venu dans sa voiture bruyante, l’homme que Taiëb appelle Nour et qui est son ami, il la respecte la tradition ?

-          Oui, il la connait, mais lui il vit à la ville et…

-          Grand père, il nous apporté de l’huile, la farine, les bidons d’eau pour le thé et même du pain gonflé comme un ballon.

-          C’est un marchand, il manipule l’argent, il n’est pas de notre famille.

-          Taiëb dit qu’il veut le suivre !

-          Ton frère, Mohamed, croit qu’il sera plus heureux là-bas. Il ne sait pas qu’il lui faudra aussi travailler et surtout qu’il lui faudra être à l’heure. Là-bas on mesure le temps, on lui court après…

       Le jour suivant, alors que le coq salue l’aurore, Mohamed est éveillé par un  vrombissement. Il se faufile à l’extérieur et en se frottant les yeux il découvre une trainée de poussière qui disparaît à l’horizon.

 

 

 

Taiëb a suivi Nour, il a quitté le campement. Au pied de la colline, sur le plateau caillouteux, personne ne prononce son nom. La vie continue, rythmée par les travaux et par la marche du soleil. En gardant les chèvres, en fendant l’air avec son bâton pour faire fuir les mouches, assis sur une pierre, Mohamed feuillette une revue glissée dans les provisions apportées par Nour. Des images, des signes, tout cela doit signifier quelque chose ? Un soir il s’approche d’Hassan puis d’Ali :

-            Non, ils ne savent pas. «  Lire les signes, savoir élever les agneaux est plus important pour nous que savoir lire. »

Des lunes et des lunes plus tard, Taiëb vint leur rendre visite .Il raconta sa vie, l’eau qui coule du robinet, la télévision, l’ampoule qui éclaire…

Il dit à Mohamed :

-            Grand père est âgé, il ne sait  pas tout !

Puis il repartit vers sa nouvelle vie. D’abord incrédule puis déçu et triste Mohamed réalise que les anciens n’ont pas la connaissance de toutes les choses.

        Est-ce possible ?

Il se promet d’aller étudier, d’aller à l’école et de revenir apprendre aux enfants de campements en campements.

 

       Concilier progrès et tradition est-ce possible ?

        Combattre l’illettrisme est-ce possible ?

 

                                 

  

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31 juillet 2008 4 31 /07 /juillet /2008 07:53

Il y a quelques temps, sur le site de Danaë, répondant à un message, quelqu'un m'a transmis un conte Touareg. Je l'ai inclus dans mon histoire et le remercie.


 La souris et le dromadaire

L'ombre des dunes s'allonge sur la vaste étendue déserte. C'est l'heure où les fils des nuages préparent le campement pour la nuit. Toujours à la recherche de nouveaux pâturages ils se déplacent de puits en puits, scrutant le ciel en espérant qu'Allah sera clément et leur enverra quelques gouttes salvatrices. De longs jours s'écouleront avant le prochain lieu de ravitaillement. Ils viennent du Rio Oro et traversant la Seguiet El Hamra se dirigent vers Smara. La tribu s'est installée, les tentes bien amarrées résisteront aux tempêtes de sable si fréquentes en cette saison. Le troupeau de dromadaires s'est égayé dans la nature à la recherche de buissons à mâchouiller. Les hommes ont pris soin de les entraver pour qu'ils ne s'éloignent pas trop de la halte. Quelques chèvres raclent les brins d'herbe nés après la dernière pluie, broutent les feuilles d'euphorbe. Les femmes cuisinent le repas, les enfants ont ramassé du bois pour alimenter les braséros. L'eau dans la bouilloire cabossée chante, Ali prépare le thé. Nour, son petit fils s'approche. Nour aime s'asseoir près du vieil homme. Souvent après le repas, avant que le froid de la nuit leur impose de se réfugier sous la Khaïma, il lui narre l'histoire de son peuple : le peuple Touareg, les hommes bleus, hommes du désert en marche vers des oasis accueillantes, traversant les océans de sable, fuyant le vent d'est. Ce soir, Nour aimerait entendre un conte, la journée a été dure, le soleil brûlant, les grains de sable fouettaient les visages, les chameaux grommelaient, éternuaient, les enfants, fatigués, pleuraient. Ayant atteint leur but, ils se sont abreuvés au puits, bêtes et gens ont bu l'eau fraîche qu'un de leurs remontait des profondeurs de la terre. A la tombée de la nuit le vent s'est arrêté. Maintenant ils vont manger les galettes, les dattes et boire le lait caillé. Les enfants, les mères iront se reposer sous la toile brune, les hommes fumeront quelques cigarettes sous le ciel étoilé et ...l'espoir de Nour sera exaucé : Ali a une histoire pour le jeune homme.

Doucement, d'une voix rauque, il commence :

De la souris et du chameau, lequel est le plus sage ? Nour sait qu'il ne doit pas interrompre son grand-père, la question ne s'adresse pas à lui.

La souris est rusée, elle glisse entre les mains de l'homme, s'introduit chez lui et grignote son fromage, le pain et même ses vêtements. Il lui tend des pièges qu'elle déjoue le plus souvent. Il tempête, s'agite et pousse des hurlements quand, impertinente, elle le nargue ! Pourtant, on lui accorde  un regard attendri,   s'amusant de sa malice, et on  reconnait son habileté, excusant son dévergondage.

Le chameau ou dromadaire impose le respect par sa haute taille, on loue sa résistance. Il obéit à l'homme, porte ses marchandises et peut traverser le désert, marchant de longues heures sans boire ni manger. Il est  robuste, placide, mais jamais on ne dit de lui qu'il est malin ou futé ! Pourtant...

« Un jour,  une souris, fuyant l'homme, sauta sur un chameau et, imitant son maître, fit claquer sa langue, fouetta les deux bosses, lui intimant l'ordre de se lever et d'avancer. Le chameau ne dit mot, et ébranla l'équipage. La souris orgueilleuse, certaine de son pouvoir, fit des bonds de fierté sur la montagne des poils.
Arrivé sur les bords d'un tout petit ruisseau, le chameau demanda à la souris de descendre, de passer devant lui, de le tenir par la bride afin de le guider.
-"Souris, mon chamelier, montre-moi donc la route. Je ne suis que monture. Toi tu sais le chemin."
-"C'est que ...dans ce ruisseau ...je crains de me noyer! "
Alors le chameau dit : "Tout seul, jamais je ne l'ai fait. Je veux bien aujourd'hui pour toi, essayer." Et il mouille ses pieds en déclarant que l'eau n'est pas profonde, et qu'elle n'atteint même pas le bas de ses jarrets.
-"Oui, mais, dit la souris, ce qui pour toi est minuscule devient pour moi montagne, et la puce qui te pique est pour moi éléphant des tropiques. Ce qui est filet d'eau pour toi, devient pour les souris un océan furieux. Je ne puis te guider."
-"Alors, dit le chameau, cesse de faire la fière, descends de ta monture pour réfléchir au moyen d'échapper à l'homme qui te poursuit et que je vois venir."
-"Pardon, dit la souris, je t'offre à genoux mille prières pour me faire traverser. J'irai par les monts et les dunes chanter tes louanges et dire que le chameau est le plus sage des animaux."

Voilà, ajouta Ali, et maintenant regarde les étoiles, elles ont avancé dans leur ronde nocturne, il est temps d'aller dormir. Demain un long chemin nous attend !    

   

 

 

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12 mai 2008 1 12 /05 /mai /2008 15:54

 

Dans le grand désert de sable, le vent souffle soulevant la poussière. Chassés des oasis de l'intérieur, papillons et libellules volent vers la bordure littorale ou l'air frais venu de l'océan rend l'atmosphère plus supportable. Dans les rochers, entre les dunes, un jeune fennec s'est réfugié. Profitant de la fraîcheur nocturne pour chercher de la nourriture, il a vagabondé toute la nuit puis, surpris à des kilomètres de son gîte par la chaleur matinale, il s'est réfugié dans cette grotte. Loin des siens, loin de ses habitudes, il est aux aguets. Au moindre bruit il agite ses oreilles comme une antenne radar à l'affût du plus petit mouvement. A l'horizon, une caravane passe. Courbant l'échine, s'abritant derrière les dromadaires, les touaregs, enveloppés dans leurs burnous, le visage caché par le chèche,  avancent résignés vers l'oasis la plus proche.

Soudain un galop se fait entendre, le renardeau se réfugie dans le coin le plus sombre. Une gazelle apparaît dans l'entrée. Elle a fui devant un danger connu d'elle seule, aveuglée par le sable qui tourbillonne, elle cherche un refuge pour reprendre des forces. Elle entre, dans l'obscurité elle ne voit rien, pourtant ses narines frémissent, elle flaire et pénètre. Sa curiosité est aiguisée, elle inspecte les lieux et découvre le jeune animal tapi contre la roche. Il tremble. Elle s'approche et le lèche. Son instinct maternel lui souffle qu'il faut rassurer la bête. A grands coups de langue râpeuse elle le rassure. Il se détend peu à peu et se blottit contre elle.

Dehors les éléments se déchainent. Un voile sombre cache le soleil. Bêtes et gens attendent, on ne se rebelle pas contre la nature, on subit, deux ou trois jours de patience et le ciel redeviendra bleu, la vie reprendra son cours.

Gazelle et renardeau, serrés l'un contre l'autre, espèrent une accalmie. Ce soir peut-être, ils pourront rejoindre leur famille.

Se reverront-ils ? Surement pas ! Mais quand le fennec croisera la piste d'une gazelle, ses narines frémiront au souvenir d'un moment d'amitié.

                                      Nicole pour Dimitri

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6 janvier 2008 7 06 /01 /janvier /2008 15:28
A l'origine des temps, alors que le monde était tout nouveau, tout beau et que les animaux venaient tout juste de se mettre au service des hommes, il y avait un chameau qui vivait en plein désert.
Pourquoi vivait-il dans le désert? Parce qu'il ne voulait rien faire...
Mais s'il ne voulait rien faire, les hommes ne lui donnaient rien...
Il se nourrissait de bouts de bois, de ronce, d'épines...Il ne pousse pas grand chose dans le désert!
Mais jamais il ne travaillait.
Si quelqu'un lui adressait la parole il disait:
                             
-  "BOF comme ça!
                              -  "BOF" et puis voilà!
Un jour le cheval vînt le trouver:   
                              -  Chameau, chameau, sors de là, viens trotter avec nous!
                             
  -  BOF, répondit le chameau!

Le cheval alla se plaindre à l'homme.

Le lendemain, le chien vînt le trouver:
                                  -  Chameau, chameau, sors de là ,viens jouer à rapporter avec moi!
                                   -  BOF, répondit le chameau

Le chien alla se plaindre à l'homme.

Le jour suivant boeuf vînt le trouver:
       
                            -  Chameau, chameau, sors de là, vient labourer avec nous!
                                    -  BOF, répondit le chameau!
Le boeuf  alla se plaindre à l'homme.

A la fin de la journée, l'homme réunit le cheval, le chien et le boeuf.
                                     -  Mes amis, leur dit-il, vous avez bien travaillé mais là-bas, dans le désert ce monsieur BOFme semble bien paresseux!
Je vais m'occuper de lui mais en attendant vous allez travailler davantage.

Les trois amis étaient furieux, ils se réunirent à la lisière du désert.
Le chameau vînt les voir, il mâcha une herbe puis dit:
                                     -  BOF, une fois plus.
Vint à passer le djinn responsable du désert. Il s"arrêta pour participer au conseil.
                                      -  Djinn de tous les déserts dit le cheval,est-il juste que dans ce monde quelqu'un reste sans rien faire?
                                       -  Assurément non; répondit le djinn.
                                      
 -  Eh bien dit le cheval, il existe dans votre désert, un chameau brailleur au long cou et aux longues jambes qui n'a pas levé le petit doigt depuis ce matin.
                                        -  Il refuse de trotter, il dit BOF
                                        -  Il refuse de rapporter, il dit BOF
                                        -  II refuse de labourer, il dit BOF

                                        -  Il ne dit rien d'autre, demanda le djinn?
                                        -  Non; BOF et puis c'est tout!
                                        -  Très bien, je m'en vais le BOFER, attendez une minute s'il vous plaît!
Le djinn traversa le désert et trouva le chameau, il s'accroupit et songea à un tour de magie.
                                        -  Tu as obligé trois amis à travailler encore plus, à cause de ta fichue paresse!
                                        
                                       
 -  BOF, répondit le chameau.
                                         -  Si j'étais toi, je ne dirai plus BOF
                                         Et le chameau répondit:
BOF
Mais à peine avait-il dit cela qu'une grande et grosse bosse lui poussa sur le dos.
                                          -  Vois-tu dit le djinn à force de dire BOF, il te pousse une bosse sur le dos, allez: au trava
il!      
                                    -  Mais comment travailler avec une bosse sur le dos?
                                          -  C'est exprès, tu as dans ta bosse de quoi manger pour trois jours sans t'arrêter, comme cela tu pourras rattraper le temps perdu! Ta bosse sera ton garde manger! Va rejoindre tes trois amis !
Au travail!

Le chameau n'a jamais rattrappé ses trois jours, il a toujours une bosse sur le dos! 
                                         





Je vous offre ce conte trouvé dans un recueil  Nicole
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24 août 2007 5 24 /08 /août /2007 18:34
 
Venu de l’intérieur du désert, après avoir roulés ses eaux, jadis impétueuses, à travers une nature tropicale, l’oued se dirige vers l’océan atlantique. Son lit entaille profondément la hamada littorale. A droite de l’embouchure des dunes majestueuses se reflètent dans l’onde, à gauche, des falaises surplombent la rive. Soumis à l’influence des marées le fleuve communique avec la mer par intermittence. La lagune très poissonneuse accueille de nombreux oiseaux migrateurs de passage ou en hivernage. Il n’est pas rare d’apercevoir, tôt le matin, des pêcheurs sur leurs barques relevant des filets. Entendent-ils papoter les occupants du lieu ?
 
-           Anguille, petite anguille, d’où viens-tu ? Demande un gros poisson aux flancs argentés à l’animal serpentiforme qui ondule près de lui.
 
-         Mon histoire est une longue histoire, commence t-elle….Venue de la mer des Sargasses, un jour je reprendrai la route qui me conduira vers le berceau de ma naissance.
 
-         Tu radotes, tu veux m’épater !
 
-         Je dis la vérité, et suis née prés des Amériques.
Le mulet n’en croit pas ses ouïes, cette prétentieuse voudrait lui faire croire qu’elle a nagé des milliers de kilomètres avant de venir se perdre dans ce coin d’Afrique ?
Qu’elle a affronté les tempêtes sans dommage, et qu’elle repartira pour assurer sa descendance ?
-         Allons, allons ne dis pas de bêtise ! Tu sais que je suis le poisson le plus rusé du lac ! N’entends-tu pas les pêcheurs sur les falaises ? Ils me voient, me traquent, m’espèrent mais ne réussissent  que rarement à piéger mes frères. Nous déjouons leur ruse, sautons par-dessus les filets et faisons la fine bouche devant leurs appâts ! Toi, ta gourmandise te perdra, déjà tes sœurs se balancent au bout du fil et ne doivent leur salut qu’à leurs contorsions qui les font retomber dans le lac. Tu voudrais me faire croire…
 
-         Crois ou ne crois pas ! J’ai vu le jour, larve, au large des Bermudes, après trois années d’errance, je suis devenue civelle dans les eaux saumâtres ou douces avant de prendre ma livrée actuelle. A l’âge de huit ans je repartirai et portée par les courants je reviendrai vers mes origines pour donner naissance à une progéniture nombreuse qui perpétuera l’espèce. Ainsi va la vie des anguilles !
 
-         Je ne peux te croire ! Moi qui grâce à mon intelligence ai atteint un âge respectable, moi qui ai déjoué les pièges des prédateurs, j’ai toujours côtoyé des individus de ta famille.
Ainsi bavardaient deux individus dans les profondeurs du lac…
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22 août 2007 3 22 /08 /août /2007 21:26
 
Pour réaliser un reportage, mes élèves ont suivi la rubrique faits divers dans le journal local. Un communiqué les a interpellés. Après enquête et visite nous avons  pu connaître la vie de : SIMBA LE LION.
 
Sur la place du village on dresse un chapiteau. Les badauds s’agglutinent, curieux : il n’est pas courant dans ce coin des Landes de voir apparaître lions, tigres, singes et autres animaux qui animeront le spectacle de la soirée. Les cirques qui sillonnent les campagnes se font rares, les spectateurs blasés aussi. Dans celui-ci une lionne a mis bas et les lionceaux sont une charge supplémentaire. Emu, un restaurateur apporte de la nourriture. Il caresse les « chatons » et une soudaine envie de pouponner l’envahit ! Peut-on abandonner ces lionceaux que guette la famine ? Le propriétaire affirme que les bébés sont sevrés et peuvent sans risque quitter leur mère. Après une nuit peuplée de rêves fous, il ramène un jeune male au foyer.
Surprise du caniche qui se croyait unique objet de l’attention des adultes ! Le chien adopte rapidement ce compagnon de jeu, sensiblement de sa taille. Pendant quelques jours l’âge lui donnera l’ascendance mais très vite le jeune fauve, bien nourri, grossit. Les jeux continuent, la ruse de l’un compense la force de l’autre. Pour que la situation perdure un aménagement du territoire est nécessaire. L’homme entreprend donc de grands travaux : cage dans la cave avec sortie grillagée vers un enclos extérieur lui-même doublement protégé.
La bête grandit, quand le matin les portes s’ouvrent, il pousse un rugissement de joie !
Dans la pinède le cri surprend ! On s’interroge, les langues se délient, on papote chez les commerçants, la rumeur s’amplifie et la maréchaussée enquête. Les experts sont consultés, les légistes aussi :
-          Conditions sanitaires bonnes
-         Sécurité de bon niveau
-         Conditions d’adoption non règlementaires
Le verdict tombe : Samba doit rejoindre un zoo. Très rapidement un hébergement lui est proposé dans les environs. L’histoire se propage, les médias sont alertées : pour ou contre le retour de Samba dans son parc landais ?
Une régularisation administrative permet sa réintégration dans sa famille d’accueil. La bonne volonté de son maître est évidente, il apporte des améliorations au site et retrouve le fauve.
Curieuse, je suis allée rendre visite à Samba.
Dans un parc entourant une villa, dans une clairière de la forêt landaise, j’ai vu un superbe animal à la crinière naissante.  Son regard luisait, il épiait nos gestes et ne semblait pas apprécier notre intérêt pour sa personne ! De bonne grâce il est rentré dans sa tanière et son maître est allé le caresser. Possédant des griffes rétractiles comme le chat, il peut être un compagnon de jeux agréable, mais ne nous y trompons pas, le quadrupède est d’humeur variable, certains jours les récréations sont courtes ou inexistantes !   
Dehors une surprise m’attendait : la promenade de Samba  prolongée  par un deuxième parc séparé, hébergeait une femelle de quatre mois ! Je suis rentrée dans la cage et l’ai prise dans mes bras. Malgré sa fourrure épaisse et soyeuse ce n’était ni une peluche ni un gros chaton !  
Que se passera-t-il lorsque le temps des amours viendra ?   Comment l’amoureux des fauves gèrera-t-il la situation ?
 
 
 
 
 
  
 
 
 
 
 
 
 
 
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8 juillet 2007 7 08 /07 /juillet /2007 18:34
Le sage de l’oasis
 
 
 
Comme chaque année, la tribu d’Ali se dirige vers le point d’eau.
Depuis peu, une rumeur circule :
Un homme vit là, sédentaire.
 
 Il possède un dromadaire, âgé lui aussi.
 Les clans racontent tous la même chose :
chaque soir, il part dans les dunes,
son animal chargé de sacs vides,
et revient au matin, les sacs pleins.
 Personne ne sait où il va, personne ne sait ce qu'il transporte.
    Personne n'ose   poser la question.
Un parfum de mystère l’entoure !
Mais Ali n'est pas un homme superstitieux...
 
 
La tribu installée, le campement monté,
Il va errer du côté du nouvel occupant.
 L’histoire de cet homme le fascine et l’intrigue,
il souhaite faire sa connaissance.
Ali est curieux, aime comprendre,
   et apprendre avec les gens, les choses de la vie !
Chaque rencontre est une fête !
Une nouvelle page dans son livre d’études !
 il pose des questions, réclame des explications.
 Elles ne sont pas fréquentes
les occasions de s’instruire dans le désert  ! 
Il a décidé, malgré les réticences de sa famille,
De percer le secret du vieil homme.
Il s’approche de la tente,
une vraie tente berbère de couleur marron, une khaïma.
Tout autour, des cailloux, des rochers,
et le dromadaire mâchouillant quelques buissons,
 le vieillard est à l’intérieur,
 il prépare le thé.
 Que faire ?
 Il ne peut troubler cet instant 
Il reviendra ce soir et…….
 
 
Les soirées, dans les déserts, sont très chaudes;
 quelquefois, un vent très doux vient caresser
 les visages endurcis par les brûlures du soleil.
 Mais, ce soir-là, Ali est insensible à la beauté du ciel,
A la douceur ambiante,
Il ne voit pas les nombreuses étoiles,
 la lune lointaine, cette lune……
enfant son grand-père lui affirmait
que des hommes y avaient posé les pieds...
Non, ce soir,
Ali a décidé de parler à l’homme mystérieux...
 Près de la tente, attaché à un pieu le chameau…

Ses compagnons ont tenté en vain de l’en dissuader
 mais Ali, est curieux et têtu...
Il pénètre sous la toile, le vieil homme est assis,
 les yeux clos, les mains jointes,
invoquant, on ne sait quel esprit.
Un long silence s'installe, le jeune homme ne sait que faire,
 toussoter pour signifier sa présence ou demeurer là,
 à attendre que l'autre réagisse.
Celui-ci regarde l'intrus...
- Que me veux-tu, homme?
La voix du vieux semble sortir des profondeurs du passé,
 rauque, unique, grave et intrigante à la fois,
une voix qui inspire respect...
 Ali a osé pénétrer dans son antre,
Comment va-t-il réagir ?



 Les yeux baissés, regardant ses babouches, il dit.
« Excusez-moi, je voudrais savoir !
-Savoir quoi ? Tu es bien jeune pour savoir !
-Quel est ton nom !
« Ali monsieur ! »
-Ali ! C’est un nom qui a une destinée
un nom qui a toute une histoire,
et tu veux savoir, me dis-tu ? 
Lève les yeux regarde-moi !
-Petit Ali, le savoir c’est la connaissance,
l’intelligence, la sagesse, la science,
c’est tout ça le savoir, c’est aussi le pouvoir…
-Ai-je bien répondu à ta question ?
 Perdu dans toutes ses réponses, Ali ne comprend pas …
Le savoir ….
Mais ce qu’il veut c’est………….
 
 
Ce que Ali voudrait savoir :
Est-ce que son désert sera toujours à lui ?
 Pourra-t-il s'y promener à longueur d'années,
Pourra-t-il y accompagner ses futurs enfants,
les enfants de ses enfants ?
 Les nouvelles de la ville sont surprenantes:
 on dit que des boîtes à images sont apparus dans les maisons,
qu’elles transmettent les nouvelles du monde,
on dit que les hommes en sont fous
et ne se parlent plus !
 
La ville est loin,
Mais elle attire et ensorcèle les jeunes de sa famille.
 
Il est né dans les dunes,
la ville, c'est le bruit,
le monde toujours pressé, courant derrière le temps
Ali riait, comment pouvait-on rattraper le temps?

- Tu as l'air tourmenté, Ali,
assieds-toi près de moi.

Si proche et si loin aussi...
- Tu as peur de l'avenir, n'est-ce pas, je le lis dans tes yeux...
Ali ne sait que répondre,
tout est si confus soudain dans sa tête.
 
- Tu es jeune, Ali... Laisse le temps au temps...
Le jeune homme relève la tête.
Le temps... Non, il ne faut pas laisser le temps au temps,
il faut réagir,
protéger le désert,
pour eux, pour leurs enfants et pour ceux de demain...
- Parle, voyons, vide ta tête, tu réfléchis trop, Ali...
Il regarde le sorcier.
 
Je voudrais dit Ali, je voudrais...
-tu voudrais quoi?
-je voudrais arrêter le temps!
Je voudrais que rien ne change,
que le sable soit toujours le sable,
que les oasis restent des oasis!
-Mon pauvre garçon, apprends que le temps ne s'arrête jamais!
Il poursuit inlassablement sa route,
mais je vais te confier un secret:
 approche, écoute bien ce que je vais te dire...
 
 
….Ecoute Ali ! Quand les hommes du désert
se réunissent autour d’un feu,
ils racontent la légende des filles du vent…
Ce sont les dunes qui sans cesse se déplacent.
Pas facile de les retenir ces coquines !
Personne ni toi, ni moi, ni eux, ne pourrons les dompter.
Quand un grand coup de vent
soulève des milliers de grains de sable !
Hop ! Les voilà quelques mètres plus loin.
Et depuis des milliers d’années, elles sont toujours là !

Il n’était pas venu pour cela !
Cet homme était un véritable sorcier,
 il pénétrait dans vos pensées
 et vous faisait oublier vos questions !
Il n’allait pas repartir comme ça !
 Il voulait savoir, il saurait !
Dis-moi, vieil homme, toi qui as la connaissance,
toi qui connais les secrets du désert,
que transportes-tu,
lors de tes sorties nocturnes ?
Tu es curieux Ali,
 mais la curiosité est utile pour apprendre !
 
Tu n’ignores pas que les autres t’appellent le sorcier
 et qu’ils croient que tu as trouvé une mine d’or ?
Ou autre chose de précieux ?
 Comment peux-tu vivre toute l’année dans cette oasis ?
 Nous sommes des nomades,
nous nous déplaçons en cherchant des pâturages et toi ?
Moi je suis bien trop vieux pour me déplacer, je n’ai pas de troupeau,
 ce que je transporte dans mes sacs ? Viens voir !
Je ne suis pas un sorcier, non !
 Les hommes n’aiment pas que l’on soit différent d’eux,
il faut des explications pour tout !
 Sils ne comprennent pas, ils croient à des pouvoirs mystérieux !!
Tout est si simple, il suffisait de demander !
Ali suivi l’homme,
il le conduisit vers un tas de cailloux derrière les palmiers.
 Tu vois je construis un abri solide qui résiste au vent du désert
quand la saison est mauvaise !
Ali comprit, les choses ont une explication souvent très simple,
 il suffit de poser les questions pour avoir les réponses !
 
Il revint dans sa tente, il devait dormir,
 demain une journée recommencerait,
il faudrait s’occuper des bêtes,
chercher la nourriture…
Et le soir il pourrait repenser au vieil homme
qui avait prononcé des paroles vraies,
des paroles rassurantes...
Oui, son désert survivrait toujours aux hommes,
il pourrait le raconter à ses enfants,
à ceux de demain...

 
 
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15 mai 2007 2 15 /05 /mai /2007 16:18

Il était une fois un oiseau. Oiseau de mer, il volait au-dessus des flots bouillonnants, se moquant des vagues qui se fracassaient sur les rochers.
Quand le soleil se couchait, quand la mer devenait rose, il se réfugiait dans une anfractuosité de la falaise. Personne ne pourrait l’y déloger, du moins le croyait-il !
Il eut fallu être alpiniste pour escalader l’abrupt et que viendrait-il faire sur cette côte sauvage ?
A l’aube, le volatile s’élançait vers l’horizon lointain mais jamais il n’avait pu l’atteindre. Quand la muraille, qui abritait son refuge n’était plus qu’une ombre dans la brume, il faisait demi-tour et se rapprochait du rivage.
Plongeant dans l’océan pour y pêcher sa pitance, il jouait avec le vent, montant et redescendant, profitant des courants. Jamais fatigué, il se croyait le maître de l’air !
 
 
 
Pourtant un jour, l’ennui
vînt : il lui fallait une compagne ! Jeune présomptueux qui croyait qu’un cri suffirait pour qu’accoure ou plutôt vole à sa rencontre, une femelle esseulée !
 
Il s’égosilla en vain et ses appels stridents n’eurent aucun effet. Il dut moduler, exécuter un ballet aérien pour tenter une compagne. Enfin quelqu’un s’approcha et l’accompagna jusqu’au logis. Mais la demeure ne convenait pas à la belle. Examinant chaque creux, chaque fente, la femelle choisit de se poser sur un caillou en surplomb servant de balcon à une petite grotte.
L’aménagement du lieu demanda une longue après midi mais au crépuscule le couple put se reposer dans une résidence à sa convenance. La suite aurait pu être bien banale : pondre les œufs, couver et élever une famille, mais un imprévu vînt troubler cette quiétude.
Un matin, alors que le soleil montait dans un ciel bleu sans nuage, un sanglot, un miaulement déchira le silence.
Dérangé dans la préparation du nid, le mâle plongea vers la sortie, la femelle se terra dans le coin le plus sombre.
Grâce à ses yeux perçants, il fouilla la paroi, inspectant chaque recoin. Il allait et venait, prêt à fondre sur l’intrus et à défendre bec et ongles sa propriété.
Ce n’était qu’un chaton accroché à une pierre sur le balcon voisin ! Jouant sur le sommet de la falaise, essayant maladroitement de poursuivre une alouette, il avait dévalé le flanc rocheux et apeuré il miaulait à perdre haleine.
Que faire ? A l’approche de l’oiseau l’angoisse de l’animal augmenta.
Ses griffes lui permettaient de remonter mais le vertige et la peur le paralysaient.
Que se passa t-il dans la tête des mouettes ?
Préoccupés par leur descendance, cette jeune vie leur apparut comme un heureux présage. D’un commun accord, ils décidèrent de nourrir l’orphelin en déposant près de lui des petits poissons.
 Le chaton reprit des forces, s’enhardit, et put enfin rejoindre le sommet et reprendre une vie plus normale.
Il y eut cette année là sur la falaise, deux belles nichées d’oisillons qui s’envolèrent vers la liberté dès que leurs ailes eurent assez de force !
Dans un village voisin, un gros matou, faisait le beau, fier et oublieux de sa mésaventure, il paradait pour montrer sa force et son courage ! Personne ne saurait pourquoi il miaulait, quand d’aventure, un goéland tournoyait au-dessus de la place du village !

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