Premier voyage au Maroc
Noël 1976 approche, les vacances scolaires commencent ce soir.
17h, la cloche retentit, l’école est finie ! Je rejoins mon domicile, la voiture est prête, les valises sont chargées, la chienne est excitée même si elle ne connaît pas les conditions du voyage !!
Sans plus attendre, départ vers le sud, cette année nous fêterons Noël au soleil sur un autre continent. Premier arrêt : la frontière franco-espagnole et oui ! Il y avait encore une frontière ! Nous devons déclarer le fusil transporté, Alain a l’intention de chasser au Maroc. Formalités rapides, munis du sésame nous repartons. On nous a prévenus, le Somosierra avant Madrid pourrait-être enneigé. La météo semble clémente mais …. Le voilà qui se profile à l’horizon, enfin nous supposons, il fait nuit noire ! Pas d’inquiétude il ne neigera pas mais, l’aiguille de la jauge d’essence s’incline dangereusement vers le zéro et depuis un certain nombre de kilomètres nous n’avons croisé aucune station service ! La montée est raide, et dans le halo des phares j’aperçois un panneau sur lequel est dessinée une pompe !! Au sommet du col, de nombreux camions sont arrêtés, capot levé pour refroidir ! Nous faisons le plein de carburant et … cap au sud !
Madrid apparaît auréolé de lueurs blafardes, pas de GPS pour nous guider mais des panneaux et sans erreur nous arrivons à Aranjuez. Voyage sans histoire, nous nous relayons, le Desfilados après Valdépénas est assez impressionnant dans la nuit ! Au petit matin nous approchons de la côte Méditerranéenne, et en début d’après-midi nous voilà à Algésiras. Renseignement pris, un bateau fera la traversée vers 20h pour Tanger. Nous avons le temps de nous sustenter et de faire une sieste.
Au moment des formalités d’embarquement, on relève nos passeports, un doute nous saisit : avons-nous bien fait de partir ? Ce n’est vraiment pas le moment !! Nos passeports nous sont rendus, nous pénétrons dans la gueule du ferry ! Nous avions tort de nous inquiéter ! Deux heures de traversée, la mer est calme, Tanger la blanche nous accueille, mais il faut sortir du port avec les documents dûment tamponnés d’autant plus que nous avons le fusil ! Etions-nous inconscients d’importer une arme, fut-elle de chasse ? Surement pas ! Mes beaux parents l’ont déjà fait et nous allons les rejoindre ! Nous devons revenir le matin, à l’ouverture des bureaux, pour rencontrer la personne qui détient le tampon ! Première nuit en Afrique ! La chienne garde le véhicule ! « Parcours du combattant » le lendemain mais nous avions pris nos renseignements auparavant par téléphone et nous pouvons repartir ayant satisfait à toutes les obligations. Deuxième étape : Rabat, pour obtenir le permis de chasse. Il fait beau et nous apprécions les paysages. La campagne s’anime, je filme. La caméra super8 chauffe ! Pas de go pro ! Pas d’appareil photo numérique, nous sommes au vingtième siècle ! A Souk el Arbaa nous franchissons l’ancienne frontière entre le Maroc Espagnol et la partie française. Elle est obsolète depuis 1956, date de l’indépendance du pays.
Rabat, nous avons l’autorisation de posséder le fusil, il faut pour l’utiliser, faire de nouvelles démarches. Je prends un taxi qui nous conduira à la bonne adresse et mon mari suit. Les renseignements que nous avions ne sont pas bons et il ne sera pas possible de chasser librement il faut rejoindre une organisation spécialisée, tant pis, nous verrons au retour !
Direction Marrakech. La nuit est là et la fatigue se fait sentir. Le premier hôtel à l’entrée de la ville est très bien ! Demain est un autre jour, au programme, les souks de la ville ! Cette impression d’être dans un autre monde, au cœur des commerces est un souvenir inoubliable que chaque touriste ressent la première fois ! Balek ! Balek ! Les ânes vous frôlent ! Regarde ! Pour le plaisir des yeux ! Les cuivres étincellent, les cuirs exhalent leur odeur caractéristique, les caftans aux belles couleurs sont tentants et ….je ne résiste pas ! Nos jours sont comptés, il faut reprendre la route, nous sommes attendus ce soir à Agadir. Nous passons devant la gare et … surprise ! Un troupeau de moutons et de chèvre paisse sans être perturbé par la circulation. J’imagine pareille chose devant la gare Saint Jean à Bordeaux ! Impossible !
La route est magnifique, les montagnes de l’Atlas, ocres, rouges, les premiers arganiers, tout nous ravit ! Il n’y a pas beaucoup de circulation, il faudra attendre les années 90, l’accentuation du commerce avec le sud pour que cette route devienne très dangereuse. L’autoroute permet aujourd’hui de rejoindre le Souss en sécurité mais …. Le charme du trajet est rompu. Au soleil couchant la ville aux trois cent jours de soleil est là, dans sa baie si calme et si prisée. Les odeurs de sardines annoncent le port. Il n’y a pas encore le nouvel ensemble actuel dont la première pierre sera posée le 6 mars 1985 par sa Majesté Hassan II. Taghazout ! Le vieux camping ! Peut-on appeler camping cet espace sommairement clôturé, où, au milieu des arganiers des centaines de caravanes venues des pays européens stationnent durant l’hiver ? Il n’y a pas d’électricité, l’eau est amenée par camions citernes de la ville et … quand le plein est fait c’est une foire d’empoigne pour remplir les réservoirs, les seaux pour les lessives ! Beaucoup vont à la source de la Madrague (à la sortie du village) pour les corvées de linge ! Les générateurs rechargent les batteries et « cassent » les oreilles des voisins ! Des querelles de voisinages qui s’enveniment si les protagonistes sont de nationalités différentes, les compatriotes venant défendre les couleurs du pays !! Mais tout s’arrange rapidement, on oublie vite autour d’un apéritif convivial ! Quand nous arrivons c’est la fin des parties de pétanque, et les bouteilles sont sur les tables. Nous n’avons rien inventé, la vie de camping a ses règles immuables. Nous logerons à l’Hôtel Talborj, et aurons le plaisir de vivre Agadir by night !
Durant le séjour, le Cap Ghir, Tamri, la côte rocheuse et poissonneuse nous attire. Nous assistons tôt le matin au départ des barques du port du village et une envie nous démange : participer à une sortie en mer. Palabres, négociations, nous partons une après-midi sur une « flouka ». Arrêt au petit large pour prise des calamars qui serviront d’appât, puis travail sérieux ! Le fond de la barque se remplit, les pêcheurs voulant nous faire plaisir, ne sont pas pressés de faire demi-tour, ils veulent que notre investissement soit rentabilisé ! Difficile de trouver des positions sans écraser la « récolte » qui s’amoncelle. A la tombée de la nuit retour à la rame, le moteur refuse de démarrer. Sur le port touristes et autochtones nous attendent curieux d’estimer notre compétence. Nous choisissons quelques pièces et donnons les autres aux villageois qui apprécient.
Taghazout est, à cette époque, un petit village, que le tourisme n’a pas encore transformé. 68 n’est pas très éloigné et la vague Hippie a choisi ces lieux pour y vivre en liberté. Les surfeurs se rassemblent à la Madrague et les commentaires entre les deux mondes (hippies et retraités caravaniers) vont bon train. Au rocher du Diable, aujourd’hui Camping d’Imourane, les campeurs voulant faire du sauvage ( ?) se rassemblent. D’autres choisissent de s’installer près du Camping mais dans la zone non clôturée donc gratuite.
Nous visitons la ville, le port, la vieille ville, samedi le souk est incontournable. Odeurs, couleurs, abondance des légumes du Souss, ravissent nos yeux et la caméra tourne ! Le « vendeur d’eau » est assailli par les flashes ! Mais peu consomment !
Le lac Ben tachine a notre visite. Le gardien des lieux vient nous voir : il n’a pas plu depuis plusieurs années nous raconte-t-il. Il nous donnera une leçon de « chèche » : 8mètres de turban à enrouler autour de la tête. Une belle prise, un black-bass de 3 kg fera de cette journée une réussite. Les autres poissons seront pour le gardien.
Mais le temps avance inexorablement et c’est le retour. Nous faisons halte à Arbaoua où une auberge accueille des chasseurs et organise des séjours. Nous ne sommes pas conquis et préférons les contacts avec les Marocains, la chasse au Maroc n’est pas pour nous, mais la pêche oui ! Elle permet de vivre avec les villageois en partageant leurs réussites et parfois aussi leurs échecs.
Ceuta sera notre port du départ, et c’est avec une seule envie : y revenir pour un séjour plus long que nous quittons le pays.
C’était notre premier voyage, ce ne sera pas le dernier !