Cette promenade ! Un rêve éveillé ! Jamais nous n’aurions imaginé vivre une telle aventure. Le véhicule : un quatre-quatre couleur sable qui n’a plus d’âge mais qui ronronne et vibre, le chauffeur, visage aux joues creuses burinées et hérissées d’une belle barbe blanche, enturbanné d’un chèche noir, vêtu d’une tunique bleue ayant deux ouvertures sur les côtés, utilisant un langage, pour nous incompréhensible mais qui, étonnamment voulait dire quelque chose ! Enturbannés à notre tour pour être protégé du sable qui pénètre partout et brûle les yeux et le visage, nous nous installons sur le plateau de la voiture qui en pétaradant nous emmène vers des étendues caillouteuses. Empruntant une piste qui serpente entre les buissons d’euphorbe nous roulons vers le désert. Quand on pense au Sahara on imagine des vastes étendues de sable parcourues par des caravanes de dromadaires mais ici c’est un désert de pierres, de cailloux avec ça et là quelques épineux dont se régalent les animaux à bosse. Là une barkhane s’est formée ! Notre première dune ! Arrêt photo !
Tu crois que nous allons rencontrer le Petit Prince ? Demande Bénédicte.
On ne sait jamais, regarde bien, répond papa !
J’éclate de rire et me moque de ma sœur qui naïvement croit encore aux contes de fées ! Pourtant le petit bonhomme blond de Saint Exupéry est encore dans ma mémoire et le paysage nous plonge dans l’ambiance. Je rêve ! Et si….. Mais aussitôt l’épisode du serpent me fait frissonner.
Dis papa, demande s’il n’y a pas de vipères dans le sable ?
Le serpent minute dont il m’avait conté la dangerosité venait perturber ma joie . Heureusement, Rachid, poursuivant son rôle de guide nous rassure. Nous ne risquons rien, le bruit de notre équipée fera fuir tout intrus. J’oublie vite ma peur et me délecte en pensant aux copains à qui je montrerai les photos souvenirs, trêve de rêverie, au travail. Je mitraille sans cesse, beaucoup de clichés seront à éliminer, les cahots de la piste ne permettant pas un cadrage parfait !
Arrivés sur le haut d’un plateau, au milieu d’une vaste étendue où seuls cailloux et rochers rompent la monotonie du paysage, un puits ! Les hommes ont construits une auge en ciment, ils puisent l’eau et alimentent le réservoir. Les animaux s’approchent et se désaltèrent. Fier de son troupeau, Abdérhaman, le conducteur explique et Rachid traduit.
Regarde la marque du troupeau ! Ils sont beaux, bientôt je pourrais les vendre au souk.
Combien vaut une bête ? s’enquiert papa.
Environ 10000dirhams, nous annonce t-il après une longue discussion. Le prix varie suivant la bête et sa destination ! Regarde celui-ci ! C’est un chamelon blanc qui vaudra beaucoup d’argent !
J’interroge notre accompagnateur :
Pourquoi faut-il leur apporter de l’eau ? Je croyais qu’un dromadaire pouvait rester longtemps sans boire.
C’est vrai ! Mais ici ce sont des bêtes élevées pour leur viande et pour avoir de beaux animaux il est bon de leur apporter boisson et nourriture.
Tu sais, poursuit Rachid : le désert avance, la sécheresse est un fléau, il n’a pas plu suffisamment depuis le printemps de l’année dernière et à cette époque de l’année il n’y a plus rien à pâturer ! Bientôt il faudra déplacer le troupeau plus au Nord pour qu’il trouve de la nourriture.
- Vous n’avez pas vu quand se lève le vent de sable ? Il brûle tout sur son passage ! La ville se dépeuple, ses habitants s’enferment.
- Pouvons-nous en vivre un ?
- A cette époque de l’année c’est plus rare ! Si vous voyez arrivez des nuages de libellules et de papillons, il faut vite s’enfermer !
- Pourquoi ?
- Chassés des oasis de l’intérieur par ce vent venu de l’est, les insectes fuient vers la mer et la fraîcheur !
- Mais quand vient la pluie, les oueds se gonflent, les cuvettes gardent l’eau et quelques semaines plus tard nous pouvons semer le blé ! Le désert se couvre de fleurs, les bêtes peuvent faire bombance ! Parfois, c’est la catastrophe, les torrents déboulent avec une telle puissance qu’ils emportent tout sur leur chemin. Malgré tout ici, chaque goutte d'eau est un espoir de grain de blé: Et avec le blé, c'est le pain!
Il est temps de prendre la direction du retour. Le soleil ardent darde ses rayons, il nous semble apercevoir un lac au loin, papa nous explique : c’est un mirage, une illusion d’optique ! A mesure qu’on s’approche « le lac » s’éloigne ! L’explication est longue, les brumes de chaleur, la différence de température ne nous passionnent pas ! Je retiens qu’autrefois beaucoup de voyageurs se sont faits piéger, ils croyaient trouver là de quoi étancher leur soif, malheureusement ils ne sont jamais revenus.