« Mars qui rit parmi les averses prépare en secret le printemps », déjà les premiers bourgeons apparaissent sur les arbustes et les jonquilles fleurissent dans les vignes. La résurrection est programmée, cette année encore les écoliers iront cueillir ces fleurs jaunes et les vendront sur le marché du samedi au profit des œuvres de l'établissement. Dans quelques semaines les lilas embaumeront et les brassées de rameaux aux grappes violettes parfumeront la maison. Oserai-je avouer que, faisant un retour dans l'enfance je ne manquerai pas de chercher les fleurs à cinq pétales synonymes de porte bonheur. Comme il y a bien longtemps je glisserai le talisman contre ma poitrine et ...l'oublierai !
Une allée de lilas conduisait à la maison de mon enfance. Les premiers jours d'Avril, nous partions à l'école munis de bouquets pour la maîtresse. Une émotion, une bouffée de nostalgie m'a toujours assaillie quand des années plus tard mes élèves m'ont à leur tour couverte de fleurs. Plus tard le joli moi de Mai verra s'épanouir dans les massifs les arums. Bien que la plante exhale une odeur nauséabonde c'est un parfum d'encens qui chatouille mes narines : les gerbes de ces cornets décoraient les églises lors des cérémonies de profession de foi tandis que les inflorescences au gout sucré des acacias ornaient les tables de fête. Contre les grilles du jardin s'accrochaient les branches des roses pompons, épineuses mais si tentantes. Quand la saison le permettait les enfants couraient dans les champs et ramenaient des brassées de marguerites, occasion de jouer à : je t'aime, un peu, beaucoup... Les bluets et les coquelicots étaient encore nombreux et les gerbes tricolores étaient de toutes les célébrations du mois. Lors de sorties nature, les enfants qui m'accompagnaient ont découvert les campanules qui agitaient leurs clochettes sur les talus avant que la faux du cantonnier ne les supprime ! Ma leçon a porté ses fruits ; elles sont devenues dans ce village, pour un temps, « les fleurs de la maîtresse » ! Dans mon jardin j'ai pendant longtemps accueilli les capucines, et toujours planté des zinnias pour garnir les vases au cœur de l'été, en souvenir des massifs de ma jeunesse.
Une promenade autour de mes plates-bandes me permet ainsi de voyager dans le passé, sans mélancolie, en retrouvant les odeurs et les couleurs qui ont été de toutes les fêtes familiales.