23 janvier 2008
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En bordure du Niger il est une ville dont le nom fait rêver :
Tombouctou la mystérieuse. On raconte qu’ici, il y a bien longtemps
les nomades avait confié, la garde d’un puits à une vieille femme nommée
Bouctou. Venues du Sud, chargées d’or, venues du nord, lestées
de plaques de sel, les caravanes y échangeaient leur cargaison.
Ainsi se développa une cité marchande connue bien au-delà des
frontières du Sahara. Depuis ces temps lointains, deux fois par an,
aux abords de la fabuleuse cité s’organise l’azalaï : 800 kilomètres
de marche pour joindre Taouedeni, où dans l’ancien lac asséché,
les mineurs extraient l’or blanc.Aujourd’hui, pour la première fois, Sofiane accompagne les hommes
dans cette aventure. Les dromadaires, ici on dit les chameaux,
sont bâtés. Tôt le matin, c’est le grand départ. Il faut avancer avant que
les rayons de soleil ne viennent ralentir le rythme de la marche.
Vingt jours pour traverser la hamada, plateau rocheux, et les vastes
étendues de de sable. Le soir, au bivouac, quelques brindilles arrachées
aux touffes de buisson permettent d’allumer le feu qui fera chanter l’eau
dans la théière. Sofiane participe aux travaux, la fatigue ne se fait pas
encore sentir, pile le mil pour confectionner les galettes, les dokhns, il est
heureux, cette expédition est vitale pour la survie du groupe. Les dunes se dressent devant eux et leur franchissement n’est pas toujours facile.
Le jeune homme songe aux épopées anciennes, aux risques qu’ils
encourent.Ce matin une atmosphère étrange règne sur le groupe, un nuage ocre
apparaît à l’horizon: dans quelques heures le sirocco soufflera. Le vent
chaud, venu de l’orient qui dessèche tout sur son passage, ne les
épargnera pas. Il est temps de rajuster son chèche, de s’envelopper
dans sa djellaba et de maintenir fermement la longe qui le relie au chameau.
Déjà la poussière vole à la surface du sol, les bêtes sont nerveuses et
ralentissent la marche. Aucune paroi rocheuse dans les environs pour se
protéger, la colonne doit progresser contre le fléau et rejoindre au plus
vite la prochaine halte. Sofiane connait les dangers du vent : il efface
les traces, on ne retrouve plus les jalons. Ali, son père dirige la caravane, il s’approche et le réconforte :- Ne crains rien, derrière le cordon de dunes nous pourrons nous mettre à l’abri
et organiser le bivouac.Après quelques heures de marche les voici enfin sur le lieu choisi pour
la nuit. Entraver les animaux afin qu’ils ne s’enfuient pas affolés par la
tempête,
piler le mil et préparer les galettes, allumer le feu, ce soir toutes
ces tâches répétitives sont accomplies lentement, la lassitude et la fatigue
marquent les visages.Le repos est nécessaire, il faudrait dormir, pourtant Sofiane roulé dans sa
couverture, observe le ciel. Le vent s’est calmé, là-haut brille l’étoile
qui la nuit, leur sert de guide, saura-t-il un jour se fier à elle pour conduire
à son tour la tribu vers la mine ?- Sofiane ! Près de lui se tient une vieille femme.- Qui es-tu ?- Je suis Bouctou, la gardienne du puits et depuis des lunes et des lunes
la protectrice de
ton clan. Les tiens m’ont protégée autrefois, aujourd’hui c’est à moi de vous aider. Demain, quand la tempête soufflera à nouveau, quand les signes qui servent
de repères auront disparu, aie confiance en moi, et je vous guiderai.- Mais comment … Sofiane éberlué se frotte les yeux, personne, la vieille femme a disparu !
A-t-il rêvé ? Un rayon de lune fait scintiller un caillou blanc sur le sol, Sofiane
le prend entre ses mains, il le caresse longuement, ses yeux se ferment, il plonge
dans un profond sommeil réparateur.Aux premières lueurs de l’aube, la caravane reprend la piste.- Âw ! Âw ! Tu peux avancer !Crie le chamelier d’une voix gutturale. Déjà la poussière vole, les grains
de sable piquent les visages, la journée s’annonce périlleuse, Sofiane
s’est rapproché d’Ali, il le sent tendu, fatigué, c’est un vieil homme,
un chibani disent les nomades avec respect. Longtemps il a conduit
l’azalai, et avant lui son père, son grand père et son arrière grand père,
mais aujourd’hui, devant les éléments déchaînés, il est inquiet.- Akaaba ! crie l’homme de tête, je ne vois plus les signes !Sofiane, anxieux, presse la pierre qu’il a glissée dans sa poche.
Là-bas, à l’horizon, il entrevoit le creux entre les dunes qui, tel un col, leur
permettra de franchir l’erg. C’est la « passe » qu’ils cherchaient. Ses compagnons vont-ils le croire ? N’est-il pas victime d’un mirage, le péril qui guette le voyageur inexpérimenté ?- Père ! Père ! Regarde ! Il tend le bras et la pierre étincelle au soleil.Le vieillard a compris, le temps est venu pour lui de se reposer, ce sera son dernier voyage et son fils continuera la tradition.- Aie confiance en moi ! Lui a dit Bouctou, il sait qu’elle est près de lui, il doit
convaincre les autres. La chose est difficile, la discussion s’anime, les propositions divergent, il s’avance et d’une voix ferme qu’il ne reconnait pas lui-même il indique
la voie.- Tout droit ! Vite il nous faut traverser avant que le vent ne reprenne de la vigueur !En silence, la colonne s’ébranle. Sofiane puise sa force dans le talisman
donné par Bouctou.- Aie confiance en moi ! A-t-elle dit.Sans encombre la caravane chemine, les dunes semblent s’écarter,
et l’ouragan se calme. Le soir au campement, le père appelle le fils :- Souviens-toi, il ne faut jamais douter !Bientôt ils échangeront le mil contre les lourdes plaques de sel et reprendront
le chemin du retour.Dans quelques semaines, à Tombouctou la mythique, des danses et des cris
de joie fêteront les hommes et les animaux qui ont survécu au désert aride.
Ils s’inclineront devant Sofiane.- Aie confiance en moi ! Et dans sa main brille le galet blanc.